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« Xynthia a servi de déclencheur pour modéliser la submersion marine », interview de jean-Louis LEONARD.

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illustration « Xynthia a servi de déclencheur pour modéliser la submersion marine », interview de jean-Louis LEONARD.

Le 27 avril 2016, l'association France Digues organisait à la Rochelle une journée technique sur "La gestion des digues à l'heure de la GEMAPI". Cette journée était aussi l'opportunité pour ses adhérents, de rencontrer des gestionnaires des digues maritimes de la région. Justement, quelles différences y a-t-il entre la gestion d'une digue maritime et celle d'une digue fluviale ? Pour le savoir, nous avons interviewé le maire de Châtelaillon-Plage, Jean-Louis Léonard. Membre de la Commission Mixte Inondation, il est l'initiateur et l'architecte du programme d’action de prévention des inondations (PAPI) local « Baie d'Yves ».

 

A 12 kilomètres au Sud de la Rochelle, la station balnéaire de Châtelaillon-Plage a été durement touchée par la tempête Xynthia en 2010, avec plus de 400 maisons inondées. Sur le quartier ostreicole des Bouchôleurs, plusieurs maisons riveraines avaient été défoncées et deux décès ont été déplorés. Par la suite, les maisons les plus exposées ont été rachetées par l'Etat, avant d'être détruites. Parallèlement les élus se sont organisés, la commune de Châtelaillon se regroupant avec celles d'Yves, Aix et Fouras pour élaborer un programme d’action de prévention des inondations, le PAPI « Baie d'Yves » *.

 

Ingénieur de formation et vice-président de la communauté d'agglomération de  La Rochelle, Jean-Louis Léonard est maire de Châtelaillon-Plage depuis 1984. Il a donc administré la commune avant et après la tempête Xynthia. Son expérience d'élu et son bagage technique font de lui un fin connaisseur des risques de submersion marine. 

 

Jean-Louis Léonard, en quoi la problématique de gestion est-elle spécifique par rapport aux digues fluviales ?

 

Il y a une différence fondamentale : avec une inondation fluviale, on sait quand cela commence, mais on ne sait jamais à l'avance quand cela s'arrêtera précisément, car il est très difficile de modéliser ce qui se passera en amont. Par contre dans le cas d'une submersion (on parle de submersion maritime et non d'inondation), il est tout à fait possible de modéliser la hauteur et la quantité d'eau à retenir, dès lors qu'on connaît la force et de la direction du vent, le cycle des marées, l'agitation de la houle etc... Autre différence importante, nous sommes sur des bassins de risque beaucoup plus réduits. De plus, l'aléa est plus violent et il s'arrête plus vite.

 

On sait donc modéliser l'aléa de submersion. Mais on ne le savait pas avant Xynthia ?

Avant Xynthia on savait le faire, mais les modèles étaient peu affinés, avec un maillage à 50, 60 ou 80 mètres de précision. Aujourd'hui, nous avons un maillage à 20 mètres près. Le grand changement a été la topographie des sites à risque. Avant Xynthia, on ne connaissait pas la topographie de nos sites. Depuis, l'Etat a lancé une grande campagne de relevés topographiques, avec Litho3D **. Cela permet de dimensionner les digues et autres ouvrages de protection, mais aussi les capacités de ressuyage.

 

Le ressuyage, c'est la partie gestion hydraulique ? C'est là que les marais ont leur rôle ?

Oui, le ressuyage, c'est comment on gère la quantité d'eau additionnelle, inhabituelle, apportée par l'aléa. Les marais peuvent servir d'exutoire pour stocker cette eau. Aux Bouchôleurs par exemple, lors de la tempête Xynthia, le marais d'Yves (qui ont une côte NGF de 2 mètres, plus basse que le littoral) n'a pas pu jouer ce rôle, les canaux et les écluses n'étant pas opérationnels. Dans le cadre du PAPI d'Yves, les canaux reliant aux marais ont été refaits. Des canaux ont aussi été creusés sous la voie ferrée et les rues des lotissements les plus récents orientent l'eau vers les marais.

 

Et que se passera-t-il en cas de tempête majeure ?

Nous serons prévenus douze heures à l'avance par MétéoFrance, ce qui nous permettra d'isoler les les canaux pour les vider vers la mer, et d'utiliser au mieux la capacité d'absorption des marais. Nous savons désormais stocker jusqu'à 550.000 m3 d'eau, ce qui est 4 fois plus que la quantité d'eau  attendue d'un événement de type Xynthia + 20 cm.

 

Quel est le rôle des digues en cas de submersion ?

Elles conservent un rôle qui peut être, suivant les cas, un effet retardateur, un effet protecteur ou un effet d'amortissement, en particulier dans le cas des cordons dunaires. Ces rôles sont variés et dépendent de chaque type de digues. Par exemple les enrochements brise-lame servent aussi à lutter contre l'érosion côtière. Mais les digues ne sont jamais infranchissables et infaillibles. A cet égard notre rôle est aussi de développer la culture du risque. Ce n'est pas parce qu'on est derrière une digue qu'on peut faire ce qu'on veut, il n'existe pas de digue «immobilière ».

 

Vous êtes à l'origine du programme d’action de prévention des inondations, le PAPI « Baie d'Yves ». Où en sont les travaux ?

Tout sera terminé dans moins de deux ans. Nous sommes actuellement sur la dernière phase de travaux, qui concerne le village des Bouchôleurs. La prochaine étape sera la construction de la digue arrière, en terre, qui va traverser le marais d'Yves. Nous avons eu quelques difficultés réglementaires et sur le budget, qui est de 6,5 millions d'euros, 3 millions auront été consacrés au études et mesures compensatoires, du fait que le marais est une réserve naturelle. Le portage du dossier, par le syndicat mixte SILYCAF qui est maître d'ouvrage, est lourd, mais nous sommes bien rodés.

 

 

 

* Porté par le Syndicat Intercommunal du Littoral Yves, Châtelaillon, Aix, Fouras (SILYCAF), le PAPI d'Yves a été labellisé pour un montant de travaux global de 24 M€ HT. 21 M€ sont consacrés au renforcement des ouvrages de protection contre la mer et 2,1 M€ concernent la gestion hydraulique des marais littoraux pour restaurer des champs d'expansion des eaux de surverse en cas de tempête majeure.

 

** Le Litto 3D est une modélisation numérique de la frange littorale. Il repose sur un partenariat entre le SHOM (Service Hydrographique et Océanographique de la Marine) et  l'IGN.

 

Auteur : Thibault LESCUYER.

Contributeur

Marion TUCCI

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