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Enrochements massifs au lac réservoir d’Orient

Article de journal


illustration Enrochements massifs au lac réservoir d’Orient

En amont de Troyes, le lac artificiel d’Orient permet de réguler les flux de la Seine (crues et étiages) depuis 1966. Le vieillissement des parements du lac barrage a motivé un renforcement inédit : 230.000 tonnes d’enrochement. Les travaux sont en cours, jusqu’en 2027.

Sur le lac réservoir d’Orient, les travaux de confortement de ses barrages ont débuté en septembre 2024. Si la fin du chantier est planifiée pour novembre 2027, c’est l’année 2025 qui est considérée la plus délicate. « 2025 est l’année la plus singulière pour ces travaux, à cause de la vidange de type décennale du lac, jusqu’à une côte 121 mètres NGF », explique Mathieu Vandaele. Chef du service valorisation et modernisation à l’Etablissement public territorial de bassin (EPTB) Seine Grands Lacs, c’est lui et son équipe qui assurent la maîtrise d’ouvrage (MOA) des travaux de confortement.

 


Vue du lac pendant la vidange de 2008 (crédit photo : EPTB Seine Grands Lacs)

 

En vidange 
133,18 mètres de niveau d’eau, indiquait le site internet du lac, le 16 septembre. Le site du lac permet de connaître au jour le jour le niveau d’eau et les paramètres associés : taux de remplissage (36% ce jour-là), volume disponible pour la protection contre les crues (143 millions de m3). Si tout se passe comme prévu, la vidange devait se poursuivre pour atteindre son palier le plus bas le 1er novembre. Un tel niveau n’a pas été atteint depuis 2008. A l’époque, la vidange pour motifs réglementaires n’avait duré que 15 jours, alors qu’un mois et demi sont prévus cette année, pour permettre d’installer les filtres et les enrochements.

 


Crédit image : EPTB Seine Grands Lacs

 

Parements abimés
Construit en 1966, le « lac Seine » est situé en Champagne humide, à environ 25 km en amont de Troyes. Il s’agit d’un aménagement hydraulique massif : 2300 hectares, à comparer aux 2800 ha du barrage de Serre Ponçon et aux 360 ha du casier pilote de la Bassée (qui est le lac réservoir le plus récent créé par l’EPTB Seine Grands Lacs). Moins profond que Serre Ponçon, le lac Seine peut stocker jusqu’à 208 millions de m3 d’eau de la Seine, ce qui fait de l’ouvrage un dispositif clé pour diminuer la hauteur de la Seine en période de crue (écrêtement) et pour soutenir le niveau du fleuve pendant la saison sèche (étiage). Mais le plan d’eau est sujet à une houle qui fragilise ses barrages. « Les parements en béton bitumineux [qui recouvrent les remblais en terre] subissent les assauts des vagues, qui les abîment. C’est une houle non négligeable, modélisée jusqu’à 1,8 mètres», explique Mathieu Vandaele. Cette usure progressive motive le confortement actuel, avec deux objectifs principaux : protéger le corps de digue contre les risques d’érosion interne et éviter une érosion par surverse (effet « run-up ») en créant une rugosité pour dissiper l’énergie de la houle. « On ne fait pas ces travaux pour le plaisir », précise Mathieu Vandaele, conscient du côté massif des enrochements. L’ingénieur rappelle qu’en aval du lac artificiel, se situe la métropole de Troyes, exposée à la fois aux risques de crue et, si rien n’était fait pour renforcer les barrages, à un risque majeur de rupture du lac réservoir.
 


Enrochements posés sur le barrage de la Morge (Crédit : EPTB Seine Grands Lacs)

 

 

Enrochements de masse
230.000 tonnes d’enrochements en calcaire, plus 88.000 tonnes de roches « filtre », de 20 à 150 mm de diamètre, les volumes sont conséquents, à la mesure du lac réservoir et des 5 barrages disposés sur ses rives occidentales. Le choix technique, celui des enrochements, fait l’objet d’une justification détaillée sur le site de l’EPTB. Il a été préféré à la pose d’un nouveau revêtement bitumeux ou béton et à des dalles préfabriquées, pour des raisons de robustesse et de durabilité, explique l’EPTB et il permet « ne pas avoir à déposer le revêtement existant ». 

 


Crédit photo : EPTB Seine Grands Lacs

 

Barrage de la Morge
Le barrage le plus imposant qui sera conforté est celui de la Morge. Etendu sur 1,7 km, sa hauteur maximale est de 24 mètres. Il est situé de part et d’autre de la « tour de restitution », qui sert à restituer l’eau stockée dans la Seine aval, via un canal long de 2km. Et c’est au pied du barrage de la Morge que les enrochements les plus bas seront installés, ainsi que les matériaux de filtres, pendant le mois et demi de la vidange 2025.

Pour gérer cette quantité d’enrochements, il a fallu créer deux aires de stockage d’un hectare chacune, explique l’EPTB. Ces aires devaient être approvisionnées en quasi continu depuis une carrière située à 70 km en Haute-Marne (carrières de Vignory appartenant au groupe Urano). Il n’y a « pas eu de difficultés particulières d’approvisionnement », mais des précautions ont été prises, en collaboration avec les collectivités locales, pour réduire les nuisances. En particulier les deux itinéraires de convoyage sont utilisés en alternance. Au final, les rochers les plus gros (400 et 950 kg, qualité « non gélive ») représentent un mètre d’épaisseur, posé par-dessus une couche de filtres épaisse de 50 cm.

 


Crédit photo : EPTB Seine Grands Lacs

 

Impacts environnementaux
Ces travaux s’inscrivent dans le cadre du « règlement d’eau  du barrage-réservoir Seine de 1978 (arrêté préfectoral nº 78-2176 du 16 mai 1978, complété depuis par des prescriptions complémentaires). En raison de cet encadrement préfectoral, les travaux n’ont pas été soumis à une étude d’impact ni à enquête publique. « Nous ne sommes pas pour autant passés en force » explique Mathieu Vandaele, qui signale des efforts importants pour réduire les impacts sur les riverains et sur la biodiversité, sur un site inscrit dans un parc naturel régional, celui de la Forêt d’Orient. Outre des pêches de sauvegarde, un pilotage de la qualité de l’eau en continu a été mis en place, avec des mesures toutes les 10 minutes des paramètres physico-chimiques de qualité.

Travaux d’aubaine
En plus des travaux d’enrochements, la vidange de type décennale ouvre une fenêtre pour des petits « travaux d’aubaine », ajoute l’EPTB, qui seraient impossibles sans abaissement de l’eau : la mise en place ou remise à neuf de dispositifs d’auscultation (pointes topographiques) et des petites réparations sur la tour de restitution, ainsi qu’un changement des évents des conduite et galerie de restitution d’eau…

PAPI et PI
L’ensemble du chantier (2024 2027) représente un budget total de 25 millions d’euros, dont 52,5% sont financés par l’EPTB Seine Grands Lacs, en tant que propriétaire du lac, 20% par l’Etat (fonds « Barnier »), 15% par l’Europe, 10% par la région Grand Est et 2,5% par l’agence de l’Eau Seine Normandie. Ce cofinancement s’explique par l’inclusion des travaux dans le Programme d'Actions de Prévention des Inondations (PAPI) de Troyes et du Bassin de la Seine Supérieure, labellisé sur 2020 2026.

En matière de prévention des inondations (PI) justement, le règlement du lac a été modifié en 2020, suite aux crues de la Seine de mai 2013, juin 2016 et janvier 2018. Le débit d'écrêtement de la Seine par le barrage-réservoir Seine a ainsi été réhaussé à 70 m3/seconde de début juillet à fin octobre au lieu de 40 m3/s auparavant (Arrêté n° DDT-SEB/BEMA-2020336-0001). Quant au débit d’écrêtement pendant l’hiver, son maximum est fixé à 160 m3/s, précise le même arrêté.

Si une crue de grande ampleur se présentait pendant la phase de vidange 2025, la priorité serait bien sûr l’écrêtement, malgré l’interruption et le retard occasionné dans les travaux. Ce risque a été anticipé par l’EPTB Seine Grands Lacs. Pour l’instant et depuis le début du chantier, le planning n’a pas été impacté par les aléas climatiques.

 

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L'EPTB Seine Grands Lacs est constitué de 10 collectivités locales adhérentes : 

  • La Métropole du Grand Paris ; 
  • La Ville de Paris, et les Départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne (membres fondateurs) ; 
  • La Communauté d’agglomération de Troyes-Champagne-Métropole ; 
  • La Communauté d’agglomération du Pays de Meaux ; 
  • La Communauté d’agglomération de Saint-Dizier-Der et Blaise ; 
  • La Région Grand Est ;
  • La Région Île-de-France.

 

 

Contributeur

thibault lescuyer

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