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Etudes De Danger : quelles applications pour la gestion de crise ?

Retour d'expérience


illustration Etudes De Danger : quelles applications pour la gestion de crise ?

Avec la réalisation des nouvelles études de danger (EDD), les dépositaires de la compétence GEMAPI disposeront d’informations plus précises sur les risques, utiles en situation de crise pour toute la chaîne d’intervention d’urgence. Décryptage avec Didier VIVET de la Dreal Centre - Val de Loire et Benjamin MORASSI de Troyes Champagne Métropole.

Photo : Troyes Champagne Métropole - janvier 2018

Le volet inondation de la compétence «gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI) dévolue aux collectivités locales, ne se limite pas à prévenir les risques d’inondation et à entretenir les digues. En effet, lors des crues, les dépositaires de la compétence GEMAPI ont un rôle de terrain qui consiste à organiser des tournées de surveillance sur les digues à des fréquences renforcées, de jour comme de nuit. Et fait nouveau, les « études de danger » (EDD), documents réglementaires obligatoires que doivent produire les autorités gémapiennes, vont devenir une source d’information à forte valeur ajoutée en temps de crise. «Les cartographies des systèmes d’endiguement sont clairement orientées pour donner des informations en cas de débordement d’un cours d’eau », explique Didier Vivet, référent inondation à la Dreal Centre. Didier Vivet était auparavant responsable du Pôle Risques de la Direction Départementale des Territoires du Loiret, où il a dû affronter plusieurs inondations. « La gestion de crise, c’est : attendez-vous à être surpris », prévient-il. Il voit arriver positivement la nouvelle réglementation sur les Etudes De Danger, car elle devrait contribuer à faciliter une meilleure protection des personnes et des biens.

Les EDD embarquent la gestion de crise

Alors qu’elles existaient depuis 2008, les études de danger ont fait l’objet d’un profond lifting réglementaire lié à la doctrine des « systèmes d’endiguement ». Ce cadre réglementaire est notamment traduit dans l’arrêté du 7 avril 2017 précisant le plan de l'étude de dangers des digues (1). Trois changements d’importance impactent la gestion de crise. Premièrement, l’échelle des cartes prévues dans toute EDD devient l’échelle 1/25 000. C’est une échelle beaucoup plus fine que celle généralement utilisée auparavant, qui permet de positionner une maison sur la carte. Cette précision accrue pourra aider les gestionnaires de crise (sapeurs-pompiers, préfecture…) et les maires à mieux identifier les risques… dès lors qu’ils ont accès à ces cartographies. C’est ce qui est fortement encouragé par le législateur : l’arrêté d’avril 2017 impose en effet une version numérique de la carte, avec l’idée qu’elle puisse  être communicable aux parties prenantes.

Deuxième changement, le gestionnaire doit développer une organisation pour surveiller les ouvrages d’endiguement en période de crue et il doit préciser les liens, dans l’EDD, avec les autres gestionnaires de crise. « Il faut préciser comment on fait remonter les informations du terrain et comment on rend compte de la situation de crue aux maires des communes impactées », signale Didier Vivet. Les EDD préciseront, par exemple, les autorités appelées et les fréquences des relevés de situation sur les ouvrages à risque.

Le troisième changement est lié au fameux « niveau de protection » auquel tout système d’endiguement devient nécessairement associé. Ce niveau est défini par une hauteur d’eau ou un débit à une échelle de crue et il est associé à une zone protégée. « Si un événement dépasse le niveau, les conséquences doivent être identifiées », poursuit notre expert. C’est ce que tentent de faire les scénarios de défaillance prévus par les EDD. Ils doivent permettre aux gestionnaires de crise d’organiser et d’anticiper les évacuations qui seraient nécessaires au niveau des zones inondables.

En résumé : des cartes plus précises, des interactions plus formalisées avec les acteurs de la sécurité civile et des scénarios de défaillance revus. Ces modifications entraînent de nouveaux défis pour les autorités gémapiennes : il leur faut apprendre à coopérer et à communiquer différemment avec les acteurs territoriaux de la gestion de crise, qu’il s’agisse des communes en charge de piloter les plans communaux de sauvegarde, ou des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.

Retour d’expérience de Troyes Métropole

Cette nouvelle collaboration autour des cartes et des EDD, l’agglomération de Troyes Champagne Métropole en a fait l’expérience lors de la crue de la Seine de janvier 2018.

Au sein de l’agglomération troyenne, la prévention des inondations et l’entretien des digues sont confiées à sa Direction de la Trame hydraulique. Elle regroupe l’équipe de terrain de l’ancien syndicat de rivière et une cellule en charge des études techniques et de la planification (dont celle du programme PAPI) ainsi qu’un ingénieur travaux. « En situation de crue, l’organisation de notre direction est complètement refondue et adaptée pour pouvoir inspecter les ouvrages », explique Benjamin Morassi, de la cellule études et planification. L’ensemble du service (8/9 personnes) se retrouve alors sur le terrain, conformément à un dispositif bien rodé, mis en place avec succès dès 2013.

Parallèlement, le directeur de la Trame Hydraulique et le directeur général adjoint du pôle « Eau, assainissement et trame hydraulique » auquel elle est rattachée, participent lors des crues aux réunions du Centre Opérationnel Départemental (COD). Rappelons que les centres COD, à Troyes comme ailleurs, assurent la gestion des crises (inondations mais aussi pollutions, incendies…) en général depuis la préfecture et avec le service départemental des pompiers, le SDIS. Or en janvier 2018, le COD a fait appel à l’expertise de la cellule gémapienne, pour obtenir des informations sur les risques liés à une des digues de la ville. La petite équipe gémapienne a ainsi partagé avec le COD des éléments de cartographie et des scénarios de défaillance tirés de l’Etude de Danger de la digue (EDD).

«S’il y a un outil gémapien qui est à prendre en compte en gestion de crise, ce sont bien les nouvelles EDD», confirme Benjamin Morassi. Lors de la crise de janvier 2018, ce sont les éléments tirés de l’EDD « ancienne », réalisée avant l’arrêté de 2017, qui ont été présentés au Préfet et au SDIS. Ils ont permis de les éclairer sur le scénario de défaillance le plus probable et ils ont aussi motivé le SDIS à proposer son renfort pour les tournées de surveillance. Pour autant, les données ont été extraites par capture d’écran sur une EDD au format PDF, ce qui ne permettait pas un recoupement et une intégration optimale avec les autres cartographies dont disposait le COD. « Nous n’avions pas d’outil intégrateur pour les données de cartographie», précise Benjamin Morassi.

Vers des cartographies plus exploitables

Suite à cette expérience, un groupe de travail transversal dédié aux cartographies a été monté sous la houlette du SDIS. Ce groupe associe d’autres services de l’agglomération qui sont producteurs ou détenteurs de cartes, ainsi que le syndicat de gestion de l’eau potable, le département (pour la voirie)… L’idée ? Il s’agit non seulement d’avoir « toutes les cartes en main » le jour J et même avant, mais d’étudier dans quelle mesure ces cartes peuvent se compléter « sans couture ». Le périmètre concerné dépasse ici le seul risque d’inondation, mais les cartes de l’aléa crue ont leur place dans cette transversalité.

Au niveau de la réalisation des EDD elles-mêmes, Benjamin Morassi tire un enseignement qui semble capital, suite à la crue de janvier 2018. Le commanditaire des EDD, c’est-à-dire l’autorité gémapienne, doit être impliqué très étroitement dans la réalisation des nouvelle EDD. « Il ne faut pas se reposer intégralement sur le bureau d’études,  il faut un travail d’imprégnation fort, pour que les cartes soient bien comprises dans la durée par les gémapiens », conseille Benjamin Morassi. L’intégration des données issues des nouvelles EDD avec des données externes pourra aussi être facilitée par le recours au logiciel SIRS Digues V2, un logiciel qui se diffuse chez les gestionnaires de digues. A ces recommandations, Didier Vivet en ajoute deux autres à l’intention des autorités gémapiennes et des gestionnaires de crise : les données des EDD seront aussi utiles pour sensibiliser les populations et c’est pourquoi il faudra « rendre l’information communicante, simplifier les cartes si nécessaire pour passer d’un document technique à un document facilement appréhendable  par un large public ». Dernier conseil enfin : réaliser des exercices de simulation de crise. Obligatoires pour les territoires concernés par un plan Orsec, de tels exercices permettront de fluidifier les coopérations entre acteurs et de faciliter la compréhension des scénarios de défaillance des ouvrages. Cartes à l’appui.

 

  1. Arrêté du 7 avril 2017 précisant le plan de l'étude de dangers des digues organisées en systèmes d'endiguement et des autres ouvrages conçus ou aménagés en vue de prévenir les inondations et les submersions

Contributeur

Perrine BROUST

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