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Parole d’acteur Jean-Louis Grapin, directeur du syndicat Mixte du Bassin Versant du Lez

Retour d'expérience


illustration Parole d’acteur Jean-Louis Grapin, directeur du syndicat Mixte du Bassin Versant du Lez

Parole d’acteur

 

Jean-Louis Grapin, directeur du syndicat Mixte du Bassin Versant du Lez

«Avec la Gemapi, nous sommes dans la cavalcade administrative »

 

Situé à cheval entre les départements du Vaucluse et de la Drôme, le Lez est un affluent du Rhône dont le bassin versant fait 450 km2. Une partie du bassin est soumis au risque d’inondations cévenoles. Avant le nouveau cadre de gestion « Gemapi » posé par la loi MATPAM (1), l’intégralité du bassin était géré par le Syndicat Mixte du Bassin Versant du Lez (SMBVL). Et après ? Son Directeur, Jean-Louis Grapin, nous détaille comment son syndicat et ses élus abordent la dernière ligne droite de la prise de compétence Gemapi.

 


 

Pour la prise de compétence Gemapi, quel schéma a été choisi sur le Lez ?

 

Jean-Louis Grapin. Le préalable qu’on a posé, c’est de dire : on a une gestion à l’échelle du bassin versant depuis 20 ans, on doit arriver à  conserver cette gestion intégrée. Donc le périmètre de notre syndicat doit être à minima celui du bassin versant, pour qu’on ne se retrouve pas avec une des communautés de communes qui démembrerait la gestion intégrée en assumant elle-même une partie de la gestion. Ce schéma a été accepté et la décision des élus de nos cinq communautés de communes a été de nous transférer l’ensemble des compétences Gemapi (compétences 1, 2, 5 et 8 définies par l’article L.211-7 du code de l’environnement). Nous avons ajouté deux compétences non « gémapiennes ». Il s’agit de la compétence 11 sur la surveillance de la ressource en eau, que nous assurions déjà avant et  la compétence 12, sur l'animation et la concertation pour la gestion de l’eau, car celle-ci nous a semblé indispensable pour maintenir notre portage du PAPI et du SAGE(2)

 

 « Nous faisions de la Gemapi sans le savoir »

 

Qu’est-ce qui change pour les cinq communautés de communes de votre bassin versant ?

J-L G. Nous avions trois structures adhérentes, une communauté de commune et deux syndicats intercommunaux qui représentaient les quatre autres communautés de commune (CC). Pour la CC déjà adhérente cela ne change rien, elle reste membre. Pour les quatre autres, qui ne s’occupaient pas du domaine de l’eau, elles vont devoir s’en occuper, même si elles nous transfèrent les compétences, en ajoutant une ligne GEMAPI dans leur budget. Elles vont adhérer à notre syndicat et désigner des élus, qui peuvent être des élus communautaires ou des élus communaux qui étaient déjà référents sur la gestion du bassin versant. Ces nouveaux élus communautaires devraient être désignés entre décembre 2017 et janvier 2018.

Comment avez-vous fait pour faire accepter ce schéma ?

J-L G. Notre souci a été de prendre le temps d’expliquer aux élus locaux ce qu’est Gemapi, quelles sont les incidences d’un transfert et d’un non transfert. Qu’est ce qui n’est pas dans Gemapi mais qu’il serait intéressant d’inclure ?... Nous en avons profité pour expliquer la mise en œuvre de la nouvelle réglementation Digues et du décret Digues de mai 2015, dans la mesure où les échéances du décret vont se poser dès 2018. Pour mener ce travail, nous nous sommes appuyés sur le groupe Rivière 84.

Justement, votre syndicat fait partie du Groupe Rivières 84, qui est une structure assez atypique en France. Comment ce groupe accompagne-t-il les intercommunalités ?

J-L G. Le Groupe Rivières 84 réunit les syndicats de rivière du département, de façon informelle, bien avant Gemapi. Les réunions du Groupe Rivière ont permis de faire émerger six structures sur le Vaucluse ayant l’ossature et les moyens pour être des autorités gémapiennes. Ces structures, dont le SMBVL fait partie, ont créé en 2016 un groupement de commande pour passer un marché d’accompagnement destiné à définir des scénarios de transfert de la compétence Gemapi. Cela nous a permis d’embarquer les 21 EPCI du département. Nous avons demandé aux EPCI de désigner chacune un tandem Gemapi avec un ou deux techniciens et un ou deux élus. Elles ont joué le jeu. Nous avons aussi invité les services de l’Etat et des financeurs comme l’Agence de l’eau. Le travail d’explication a été prolongé par un état des lieux et de la prospective, notamment sur les moyens financiers nécessaires. Tout cela a permis de mettre sur la table des scénarios qui globalement, confortent la gestion à l’échelle du bassin versant. Ces scénarios ont été validés courant 2017 par un comité de pilotage qui regroupait les présidents d’EPCI. Depuis, nous sommes tous dans une cavalcade administrative des votes des transferts de compétence et des changements de statuts. Pour la petite histoire, nous avions appelé notre démarche « Socle » (Schéma d’organisation et de mutualisation des compétences locales de l’eau). Nous avons été un peu précurseurs puisque l’Etat a repris l’idée du « Socle » en le rebaptisant « stratégie d’organisation des compétences locales de l’eau » !

Qu’est-ce qui fait que ce travail d’explication et de concertation a bien fonctionné ?

J-L G. C’est sans doute lié au fait que le Vaucluse est soumis à des risques d’inondation depuis longtemps. Sur le Lez par exemple, nous sommes soumis au risque d’inondations cévenoles. Depuis très longtemps, il y a eu une structuration avec des élus impliqués. Le département Vaucluse est très impliqué dans l’accompagnement financier et technique des structures. Notre groupe informel, parti de techniciens, a progressivement associé des élus. Cela fonctionne aussi parce que le département a joué un rôle moteur.

Où en êtes-vous précisément sur la mise en œuvre du transfert ?

J-L G. Les délibérations des communes et les changements de statut des Communautés de communes sont en cours. Certains statuts ont déjà été modifiés, d’autres sont en cours de modification. En corollaire, notre syndicat a dû modifier ses statuts. C’était plus du toilettage car nous faisions déjà du Gemapi sans le savoir. Le changement de statut est l’occasion de remettre tout le monde en discussion sur la gouvernance en posant la question du nombre d’élus pour chaque intercommunalité. Au 1er janvier toutes les modifications statutaires ne seront pas bouclées, on va avoir des procédures transitoires pendant un ou deux mois.

 

« On est dans une phase de transition un peu compliquée »

 

Avant Gemapi, une seule des 5 communautés de communes du périmètre du Lez était adhérent en direct au SMBVL, les autres l’étaient via des syndicats intermédiaires. Que deviennent-ils ?

J-L G. La loi interdit la coexistence sur un même territoire de deux syndicats qui porteraient la compétence Gemapi, donc les deux syndicats vont devoir disparaître et les intercommunalités adhérer en direct à notre syndicat. Cela a créé des inquiétudes, certains élus considèrent que ces syndicats fonctionnaient bien et se demandent s’ils seront aussi bien représentés demain.

Qu’en est-il de vos sources de financement ?

J-L G. Il y a beaucoup de questions qui restent ouvertes.  On a des nouveaux interlocuteurs, les Communautés de Communes, à qui on demande de prendre des engagements financiers forts. Par exemple nous leur avons annoncé des dépenses supplémentaires au titre du décret Digues, que nous avons estimé, sur la base des ratios habituels, à 200.000 euros par an sur 2018 / 2021 pour l’entretien et la surveillance de 36 km de systèmes d’endiguement potentiellement classés B et C, frais d’études préalables inclus. Nos élus se sont rencontrés, ils se sont mis d’accord sur leurs apports, mais ils ne savent pas actuellement si cela sera suffisant. Il y a des gros questionnements sur les subventions des agences de l’eau, dont les recettes vont être ponctionnées en partie par l’Etat. Les agences vont devoir faire les choix, mais on ne sait pas si cela va impacter l’assainissement ou la gestion des milieux aquatiques. Résultat, je n’ai pas de certitudes sur les financements de mes partenaires et sur 2019, je n’ai aucune vision ! C’est particulièrement criant pour l’entretien de la végétation des digues. Cet entretien nous incombe de plus en plus avec la désertification agricole sur les berges, il est crucial en amont pour lutter contre les régimes torrentiels. L’entretien représente 480.000 euros par an, financés à 80% par les subventions. Que va-t-il se passer si les subventions diminuent ?

Allez-vous être financé par la fiscalité avec une taxe Gemapi ?

J-L G. Sur les cinq Communautés  de communes de notre territoire, une seule a voté une taxe Gemapi. Les autres vont sans doute attendre d’avoir un état des lieux complet des autres financements avant de se décider. Et si elles se décident, cela ne sera probablement pas avant fin 2018.

Quel était le rôle des départements dans votre financement et comment ce rôle va-t-il évoluer ?

J-L G. Pour les actions à réaliser sur son territoire, le Vaucluse nous finançait environ à 20% tandis que la Drôme finançait à 7% les actions importantes sur le sien. Le département du Vaucluse a clairement affirmé qu’il serait présent au même niveau et qu’il réfléchissait à augmenter sa part sur l’entretien.  La proposition de loi modificatrice portée par Marc Fesneau leur permettrait en outre d’être adhérents, mais ils n’ont pas formulé ce désir  et ce n’est pas du tout une nécessité. Donc on restera un syndicat fermé.

Vous êtes un syndicat mixte fermé, allez-vous devenir un EPAGE ?

J-L G. La question de l’évolution vers un EPAGE, on ne se l’est pas encore posée car cela rajouterait encore de l’interrogation aux élus. Même si cela ne changerait pas grand-chose. Cela sera l’étape suivante, et on se posera aussi la question de la collaboration entre EPAGE voisins.

Thibault LESCUYER

 

  1. Promulguée le 27 janvier 2014, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Loi « MAPTAM ») confie les compétences « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI) aux communes, qui doivent les transférer aux d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

 

  1. PAPI : Programme d'Actions de Prévention des Inondations. SAGE :schéma d'aménagement et de gestion de l'eau.

Contributeur

ségolène Mortier

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