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Associations syndicales autorisées (ASA) : se réinventer ou disparaître

Retour d'expérience


illustration Associations syndicales autorisées (ASA) : se réinventer ou disparaître

Bon nombre d’ASA gèrent des digues de protection, des canaux ou des casiers hydrauliques. Avec la réglementation sur les systèmes d’endiguement, ces associations doivent trouver leur place. Ce qui n’est pas toujours facile.

Image : casier hydraulique de Fontet-Bassanne (crédit : CC du Réolais en Sud Gironde)

Canal d’irrigation, bassin de rétention, digue de protection, casier hydraulique, digue de lutte contre l’érosion : les ouvrages gérés par les « associations syndicales autorisées » (ASA) sont très divers, sans compter les pistes forestières de protection contre les incendies et les stations de pompage. ASA ? Leur raison d’être est de mutualiser l’entretien d’un ouvrage d’intérêt partagé pour ses adhérents, agriculteurs, forestiers ou riverains. Grands nombre d’ASA existent depuis plusieurs siècles, ayant été créées lors de l’assèchement d’une zone marécageuse. C’est le cas de l’ASA de Bresson à Saint-Ismier, basée à Grenoble. « Dans la plaine du Grésivaudan, notre association a été créée en 1882 par Napoléon III, pour assainir la plaine marécageuse ! », raconte Alain Lesur. Son association (membre de France Digues) regroupe 3000 adhérents et s’appuie sur un budget annuel de 560 000€ pour gérer 120 km d’ouvrages, dont une majorité de fossés et plusieurs bassins de rétention. Elle fait partie des ASA qui doivent trouver une nouvelle manière de travailler, depuis que le législateur a formalisé la notion de « système d’endiguement » tout en confiant la prévention contre les inondations exclusivement aux intercommunalités (EPCI-FP).

Des associations sous tutelle de l’Etat

« Les associations syndicales autorisées représentent un outil très particulier, puisque ce n’est pas une association loi 1901 classique, mais une association syndicale sous tutelle de l’Etat, qui relève du Domaine Public Syndical, sous gestion des règles comptables publiques », précise Lionel Lacroix, chargé d’opérations au Département Gironde. Il en existe plus d’une vingtaine en Gironde, nombreuses à entretenir des casiers hydrauliques sur les rives de la Garonne, de la Dordogne et de l’Estuaire. Ces casiers étaient depuis 2007 pour la plupart classés comme digues de protection contre les inondations et ils doivent désormais être intégrés, ou non, dans des systèmes d’endiguement déclarés.

En 2015, un rapport de mission estimait à 6000 le nombre d’ASA en France, dont 1700 à 2000 intervenant dans l’irrigation agricole. Le rapport signalait qu’une partie des ASA sont « confrontées à des problèmes de fonctionnement parfois insurmontables, en l’absence de personnel et avec des moyens financiers très bas ». Le rapport ajoutait que « l’administration a entrepris suivant les cas de les fusionner, de les dissoudre ou de transférer leurs ouvrages aux collectivités locales ». Oui, mais « il faut prendre garde à ne pas les dissoudre précipitamment, une fois disparue, il sera très difficile qu’une nouvelle ASA soit à nouveau autorisée », prévient Lionel Lacroix. Dans le monde très divers des ASA, un certain nombre, au grès des évènements de l’Histoire font preuve d’un grand dynamisme, tandis que d’autres végètent. Elles détiennent souvent une connaissance du terrain très pointue, une certaine réactivité sur la manipulation des ouvrages et offrent « un outil foncier directement utilisable pour le « GEMAPIEN », selon Lionel Lacroix.  

Dilemme pour les intercommunalités

Depuis que le cadre réglementaire français a remplacé la notion de « digue » par celle de « système d’endiguement », un dilemme se pose pour les intercommunalités qui détiennent la compétence Gemapi : Que faire des ouvrages qui sont gérés par les ASA ? Et quelles modalités de coopération trouver avec elles ? A ce jour, trois solutions existent, selon l’expertise du bureau ASAinfo, menée en 2018 pour le compte du Département de la Gironde : le transfert de gestion, la cession (partielle ou totale) des ouvrages, ou la dissolution de l’ASA. Comme le montrent les exemples ci-dessous, chaque solution dépend du territoire, des ouvrages en place et du dynamisme de la structure.  

ASA dissoutes à la Réole

Située à la frontière de la Gironde et du Lot-et-Garonne, la communauté de communes (CC) du Réolais en Sud Gironde (41 communes) a pris la compétence Gemapi en septembre 2017. Elle s’est alors retrouvée à devoir gérer quelques 30 km de digues (de classe C), réparties sur trois casiers d’endiguement qui étaient gérés chacun par trois ASA plus ou moins actives. « Les élus ont tranché et les ASA ont été dissoutes en janvier 2019 », explique Marina Galman, responsable du Service Urbanisme et Aménagement durable à l’intercommunalité (plus d'infos). Deux raisons principales expliquent ce choix : « Les ASA n’avaient pas le droit de déposer elles-mêmes des dossiers de régularisation de systèmes d’endiguement et elles risquaient de se retrouver sans moyens financiers suffisants [dès lors que la CC levait une taxe Gemapi] ». Autre explication : « Les ASA avaient géré l'entretien des ouvrages mais étaient très en retard sur la partie administrative », ajoute Marina Galman.

Collaborateurs occasionnels

Sur la CC du Réolais en Sud Gironde, cette dissolution ne s’est pas faite en un jour, ni brutalement. Sur le plan financier, les questions de transfert comptable (actif / passif) et de trésorerie ont été complexes à traiter. D’autre part, « pour ne pas perdre la connaissance, un système de collaborateurs occasionnels [rémunérés] a été instauré sur deux casiers », précise Marina Galman. Aujourd’hui, des anciens membres des ASA assurent ainsi un suivi et un entretien des digues. En parallèle, une réserve communale de sécurité civile à l’échelle de l’intercommunalité est à l’étude, qui pourrait s’appuyer sur les « anciens » des ASA.

Tout n’est pas encore stabilisé dans le nouveau « modus operandi ». L’intercommunalité est en train de négocier des autorisations de passage avec les propriétaires des tronçons de casiers d’endiguement, car ceux-ci n’appartenaient pas aux ASA mais à leurs adhérents… Et il faudra prochainement fixer des servitudes de passage et/ou déclarations d’utilité publique. Des études de dangers ont débuté, pour probablement régulariser ces casiers en tant que systèmes d’endiguement.

Double-porte intégrée à une digue (crédit : CC du Réolais en Sud Gironde)

Le choix de s’appuyer sur les ASA

A 50 km au Nord Ouest de la Réole, aux portes de Bordeaux, s’étend la Communauté de communes des Portes de l'Entre-deux-Mers. Une autre décision a été prise. « Nos élus ont fait le choix de maintenir le plus possible les ASA, notre ancien vice-président considérant qu’elles sont des éléments importants de la chaîne de protection contre les inondations, de par leur connaissance du terrain », explique Stéphanie Remazeilles, directrice générale adjointe de la Communauté de communes. Sur un territoire qui compte 22 km de digues et quatre ASA, l’intercommunalité accompagne les ASA : travail sur les statuts pour les harmoniser (avant peut-être une fusion) et soutien financier. Là aussi, plusieurs ouvrages gérés par les ASA vont probablement être déclarés comme systèmes d’endiguement. Les ASA assurent toujours l’entretien des clapets, portes à flot et jouent « un rôle de vigie lors des alertes crues ». « On a des services techniques mais pas d’agent spécialisé sur l’entretien des bords de Garonne », explique Stéphanie Remazeilles (DGA de la CDC). La contractualisation future avec les ASA, pour la gestion (transfert de gestion ou cession des ouvrages…), n’est pas encore décidée.

Travaux bloqués dans le Grésivaudan

« Nous avons de très bonnes relations avec le Syndicat Mixte des Bassins Hydrauliques de l'Isère [qui s’est vu confier la compétence de protection contre les inondations par l’intercommunalité], mais je ne vous cache pas que nous avons mis le préfet au tribunal administratif », explique Alain Lesur, président de l’ASA de Bresson à Saint-Ismier. Il témoigne des difficultés dans lesquelles les ASA peuvent parfois se retrouver du fait du transfert des compétences de protection contre les inondations aux intercommunalités.

Dans la plaine du Grésivaudan, au Nord de Grenoble, la plupart des 120 km d’ouvrages gérés par l’ASA de Bresson à Saint-Ismier sont des fossés, dont des « chantourmes » jusqu’à trois mètres de large et des canaux, qui captent les eaux de pluies et luttent contre les inondations les plus fréquentes. L’ASA gère aussi 5 plages de dégravement, qui stoppent les sédiments et tamponnent l’eau ruisselant dans la vallée. Jusqu’à 70.000 m3 d’eau, précise Alain Lesur. L’un d’entre eux est l’objet d’un différend avec la préfecture, le préfet de l’Isère ayant annulé, dans un arrêté datant de 2019, une décision (délibération) de l’ASA pour un programme de travaux sur un de ses déversoirs.

 « Sur une de nos plages, depuis 2003, nous avons dépensé 250 000 euros pour des études pour conforter l’ouvrage, parce que nous avons de gros industriels dans le secteur. Les études sont terminées et nous avons donc passé une délibération pour terminer les études et lancer les travaux ». Cette délibération, envoyée à la préfecture, s’est vue rejetée. « Le préfet voudrait que nous diminuions notre périmètre syndical, pour que les ouvrages urbains deviennent gémapiens », explique Alain Lesur.

Les adhérents de l’ASA sont très divers, allant du petit propriétaire (redevance annuelle versée à l’ASA : 7 euros) à l’industriel (redevance jusqu’à 200 000 euros), ce qui lui permet d’entretenir les ouvrages de manière mutualisée. Cet entretien consiste à déboucher des buses, à enlever des branchages mais aussi à réaliser des travaux plus lourds, sur les plages de dégravement. Or en se défaisant d’une partie de ses ouvrages, l’ASA craint d’être privée de ses financements. « On se retrouverait avec un rôle de 50 000 euros au lieu de 560 000 euros, pour entretenir presque tous nos ouvrages. Notre ASA serait amenée à disparaitre », explique Alain Lesur.

Aujourd’hui, l’ASA aimerait un partenariat complémentaire avec le syndicat mixte. « On peut garder notre périmètre d’ouvrages et passer une convention de délégation de maitrise d’ouvrage au syndicat mixte », espère Alain Lesur. Il souligne le rôle joué par les conducteurs de travaux de l’ASA, pour entretenir les petits ouvrages dans la vallée.

 

S’adapter au cadre légal des systèmes d’endiguement, inventer des nouvelles formes de coopérations : tel est bien le défi auquel les ASA sont confrontées.

Plage du Craponoz avant et après curage (crédit : ASA de Bresson à St Ismier)

Contributeur

thibault lescuyer

Structure

test asso

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