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En Chine, le programme de « villes éponge » boit la tasse

Article de journal


illustration En Chine, le programme de « villes éponge » boit la tasse

Les inondations de l’été 2023 en Chine ont montré les limites des réservoirs, des zones d’expansion des crues et d’une gestion de crise autoritaire. C’est aussi le programme de « ville éponge » qui se révèle pour l’instant inefficace.

La Chine n’en est pas à sa première inondation massive, mais celle de l’été 2023 pourrait faire date. En 2015 l’Etat chinois lançait le programme national « Ville éponge », qui s’est traduit par la désignation de 30 villes pour être « villes éponge pilote ». Parallèlement, la doctrine de ville éponge, en tant que solution d’adaptation et d’urbanisation en partie fondée sur la nature pour faire face aux risques de crues, a été portée par le ministère du logement et du développement rural urbain. Mais les inondations de l’été 2023 montrent que le concept reste pour le moment une chimère. A l’inverse, la gestion de crise autoritaire est bel et bien une réalité en Chine. Un des pans stratégiques de la gestion de crise, à savoir la relâche du trop plein d’eau accumulé dans des réservoirs sur des zones d’expansion des crues, a suscité de vives critiques y compris à l’intérieur de la Chine.

« Sponge city »
Les villes éponge « utilisent en premier lieu des solutions fondées sur la nature comme des zones humides, des corridors verts, des parcs, jardins de pluie, toits végétalisés. Idéalement les aménagements verts et gris sont intégrés de manière systémique », résume une note de la Banque Asiatique Du développement (ADB) publiée en novembre 2022. Le concept a été développé en 2013 par l’architecte paysagiste et urbaniste Kongjian Yu et il est présenté comme un pilier du nouvel urbanisme chinois. L’objectif est vaste, puisqu’il s’agit de combiner la lutte contre les inondations avec la lutte contre la pollution des eaux et contre les pénuries d’eau. Or d’après la note de l’ADB, malgré les incitations nationales, les programmes urbains régionaux n’en ont pas fait une priorité. «Les investissements dans les villes éponge pilote ont souvent été de petite taille et fragmentés, sans analyse systémique et systématique. (…).Dans certaines villes pilote, des inondations ont eu lieu comme avant et parfois même, de manière plus grave, laissant la perception que le concept était un échec ».

 

Inondation à Zhuozhou, août 2023

 

Inondations incontrôlées
Entre fin juillet et début août 2023, des pluies particulièrement intenses liées au typhon Doksuri ont frappé les régions du Hebei et de Pékin et plusieurs ville éponge pilote ont été touchées. La gestion de crise a été pharaonique, à l’échelle du pays. Dès le 4 août, « 79 réservoirs de grande et moyenne taille avaient été utilisés pour stocker 2,4 milliards de m3 d’eau » dans la région de Pékin-Tianjin-Hebei. Rien que dans le Hebei voisin de Pékin, sept zones de stockage ont permis de stocker « 1.8 milliards de m3 d’eau pour soulager la pression sur Beijing et Tianjin ». 

Très vite, il a été question de relâcher une partie de l’eau stockée, ce qui a été réalisé sur des vastes zones habitées. Pas moins de 960.000 personnes (chiffre fourni par les autorités chinoises du Hebei) vivant dans les zones de stockage et près des bassins de rétention ont dû être déplacées. Mais les quartiers choisis pour être inondés n’avaient pas toujours  été préparés. Autour de la ville de Zhuozhou, en particulier, «des internautes ont affirmé que les résidents n’étaient pas au courant qu’ils vivaient dans une zone d’expansion des crues », raconte Reuters. Les habitants les plus malchanceux ont été pris au piège et les autres ont vu leurs habitations ravagées, tandis qu’ils étaient sommés de quitter les lieux.

Plan de la ville nouvelle de Xiong’an (crédit Chapman Taylor)

 

Préserver la ville nouvelle de Xi

«Les bassins de stockage et de rétention des crues se sont avérés très efficaces dans la réduction de l’impact des inondations et l’atténuation des dégâts potentiels dans la Nouvelle zone de Xiong’an et dans la municipalité de Tianjin situées en aval », expliquait pourtant une haute fonctionnaire du Département des ressources en eau de la province de Hebei. La ville nouvelle de Xiong’an a vite focalisé une partie du mécontentement. Ce projet en cours de construction, voulu par le président Xi Jinping, est sensé décharger la pression démographique sur Pékin, tout en appliquant les préceptes de ville éponge. Mais pendant l’été 2023, les décideurs chinois ont estimé que la ville en construction n’est pas encore en capacité d’absorber les crues. Pour ne pas abimer le joyau du président Xi, il a donc fallu  inonder les zones habitées de Zhuozhou.

Dans un autre article publié par Reuters, des experts expliquent que les infrastructures de ville éponge ne peuvent certainement pas absorber plus de 200 mm de pluie quotidienne, un chiffre à comparer aux 745 mm tombés sur une station pékinoise en 3 jours.

 Construite à 150 km de Pékin sur sur une zone basse à proximité immédiate de l’immense lac Baiyangdian, la ville nouvelle de Xiong’an  serait localisée sur un site particulièrement vulnérable aux inondations.

 

Sources :

https://www.reuters.com/world/china/china-floodwater-diversions-populated-areas-unleash-wave-online-anger-2023-08-06/

https://edition.cnn.com/2023/08/04/china/china-northeast-hebei-beijing-flooding-recovery-intl-hnk/index.html

https://www.climatechangenews.com/2023/08/17/beijing-floods-airport-shut-down/

https://globalvoices.org/2023/08/06/devastating-floods-in-hebei-expose-the-site-selection-problem-of-chinas-sub-capital-xiongan/

 

Contributeur

thibault lescuyer

Structure

test asso

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