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Inondation et cours d’eau non domaniaux : pas d’obligation de protéger… mais un pouvoir d’agir et une responsabilité (sans faute lourde) tout de même…

Réglementation


illustration Inondation et cours d’eau non domaniaux : pas d’obligation de protéger… mais un pouvoir d’agir et une responsabilité (sans faute lourde) tout de même…

Le blog LANDOT et associés diffuse et commente une décision du Conseil d'Etat qui appuie sur la responsabilité des Préfets et Maires, tout en rappelant qu'ils n'ont pas l'obligation de protéger.

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Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision à publier aux tables du Recueil Lebon en matière de responsabilité et d’inondations / GEMAPI.

Dans cette nouvelle décision, la Haute Assemblée :

  • rappelle qu’il résulte des articles L. 215-2, L. 215-4 et L. 215-16 du code de l’environnement que ni l’Etat ni les collectivités territoriales ou leurs groupements n’ont l’obligation d’assurer la protection des propriétés voisines des cours d’eau non domaniaux contre l’action naturelle des eaux, cette protection incombant, en vertu de l’article L. 215-14, au propriétaire riverain qui est tenu à un entretien régulier du cours d’eau non domanial qui borde sa propriété.
    Voir auparavant CE, 2 mars 1984, Syndicat intercommunal de l’Huveaune et autre, n°s 35524 35874, rec. p. 93.
    En cas de terrain non bâti, voir : GEMAPI : quelle responsabilité en cas d’inondation de terrains non bâtis ? 
  • affirme que cependant les autorités peuvent agir en ce domaine :
    • l’article L. 215-16 de ce même code permet à la commune, au groupement de communes ou au syndicat compétent de pourvoir d’office à l’obligation d’entretien régulier, à la place du propriétaire qui ne s’en est pas acquitté et à sa charge.
    • en vertu des pouvoirs de police qui lui sont confiés par l’article L. 215-7 du même code, il appartient au préfet de prendre toutes dispositions nécessaires au libre cours des eaux, le maire pouvant, sous l’autorité de celui-ci, prendre également les mesures nécessaires pour la police des cours d’eau en application des dispositions de l’article L. 215-12 du même code.
  • en déduit qu’en cas de dommages causés aux propriétés voisines des cours d’eau non domaniaux du fait de l’action naturelle des eaux, sans préjudice de la responsabilité qu’il peut encourir lorsque ces dommages ont été provoqués ou aggravés par l’existence ou le mauvais état d’entretien d’ouvrages publics lui appartenant, la responsabilité de l’Etat peut être engagée par une faute commise par le préfet dans l’exercice de la mission qui lui incombe, en vertu de l’article L. 215-7 du code de l’environnement, d’exercer la police des cours d’eau non domaniaux et de prendre toutes les dispositions pour y assurer le libre cours des eaux.

Naturellement des fautes des collectivités et notamment des maires au titre de leurs pouvoirs de police pourraient entraîner de telles responsabilités aussi.

Il incombe aux propriétaires d’agir en cas de cours d’eau non domanial, mais il peut y avoir faute pour la collectivité à ne pas s’y substituer et faute pour l’Etat à ne pas agir.

Lire la suite de l'article :  blog LANDOT et associés

VOICI CETTE DÉCISION :

Conseil d’État

N° 425969
ECLI:FR:CECHR:2020:425969.20200722
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème – 6ème chambres réunies
Mme Louise Cadin, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE, avocats

Lecture du mercredi 22 juillet 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 6 mai 2019, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux a prononcé l’admission des conclusions du pourvoi de la SCI Les Vigneux dirigées contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy en tant seulement que cet arrêt se prononce sur la responsabilité de l’Etat du fait de la carence fautive du préfet dans l’usage de ses pouvoirs de police.

Par un mémoire, enregistré le 6 mars 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet du pourvoi. Elle soutient que ses moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’environnement ;
– la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme B… A…, auditrice,

– les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de la SCI Les Vigneux.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite d’un débordement de la Seine sur une partie de son cours où elle n’a pas le caractère d’un cours d’eau domanial, les terrains appartenant à la société Les Vigneux situés à Bluchères (Aube), pour partie en zone constructible du plan de prévention des risques d’inondation, ont été inondés. Cette société a demandé au juge administratif la réparation des préjudices subis en invoquant la responsabilité pour faute de l’Etat, en premier lieu, au motif d’une erreur dans le classement de ses parcelles dans le plan de prévention des risques d’inondation et le retard mis à réviser ce plan, en deuxième lieu, en invoquant une carence du préfet dans la mise en oeuvre des pouvoirs qu’il détient au titre de la police des cours d’eau non domaniaux et, en troisième lieu, en invoquant des défaillances de l’Etat en matière d’information des riverains. Ces conclusions ayant été rejetées par un jugement du 1er août 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et, sur appel de la société, par un arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 4 octobre 2018, elle s’est pourvue en cassation contre cet arrêt. Son pourvoi n’a été admis, par une décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux du 6 mai 2019, qu’en tant qu’il demande l’annulation de l’arrêt en tant qu’il se prononce sur la responsabilité de l’Etat du fait de la carence alléguée du préfet dans l’usage de ses pouvoirs de police.

Sur le droit applicable :

2. D’une part, l’article L. 215-2 du code de l’environnement dispose que :  » le lit des cours d’eau non domaniaux appartient aux propriétaires des deux rives (…)  » et l’article L. 215-4 du même code pose le principe de l’entretien des cours d’eau non domaniaux par les propriétaires riverains, en précisant, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, que :  » (…) L’entretien régulier a pour objet de maintenir le cours d’eau dans son profil d’équilibre, de permettre l’écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique (…) notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives « . Enfin, l’article L. 215-16 du même code dispose que :  » Si le propriétaire ne s’acquitte pas de l’obligation d’entretien régulier qui lui est faite par l’article L. 215-14, la commune, le groupement de communes ou le syndicat compétent, après une mise en demeure restée infructueuse à l’issue d’un délai déterminé dans laquelle sont rappelées les dispositions de l’article L. 435-5, peut y pourvoir d’office à la charge de l’intéressé « .

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 215-7 du code de l’environnement :  » L’autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d’eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux (…) « . Et aux termes de l’article L. 215-12 du même code :  » Les maires peuvent, sous l’autorité des préfets, prendre toutes les mesures nécessaires pour la police des cours d’eau « .

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que ni l’Etat ni les collectivités territoriales ou leurs groupements n’ont l’obligation d’assurer la protection des propriétés voisines des cours d’eau non domaniaux contre l’action naturelle des eaux, cette protection incombant, en vertu des dispositions de l’article L. 215-14 du code de l’environnement, au propriétaire riverain qui est tenu à un entretien régulier du cours d’eau non domanial qui borde sa propriété, l’article L. 215-16 du même code permettant seulement à la commune, au groupement de communes ou au syndicat compétent de pourvoir d’office à l’obligation d’entretien régulier, à la place du propriétaire qui ne s’en est pas acquitté et à sa charge. Toutefois, en vertu des pouvoirs de police qui lui sont confiés par les dispositions de l’article L. 215-7 du code de l’environnement citées au point 3, il appartient au préfet de prendre toutes dispositions nécessaires au libre cours des eaux, le maire pouvant, sous l’autorité de celui-ci, prendre également les mesures nécessaires pour la police des cours d’eau en application des dispositions de l’article L. 215-12 du même code.

5. Par suite, en cas de dommages causés aux propriétés voisines des cours d’eau non domaniaux du fait de l’action naturelle des eaux, sans préjudice de la responsabilité qu’il peut encourir lorsque ces dommages ont été provoqués ou aggravés par l’existence ou le mauvais état d’entretien d’ouvrages publics lui appartenant, la responsabilité de l’Etat peut être engagée par une faute commise par le préfet dans l’exercice de la mission qui lui incombe, en vertu de l’article L. 215-7 du code de l’environnement, d’exercer la police des cours d’eau non domaniaux et de prendre toutes les dispositions pour y assurer le libre cours des eaux.

Sur le pourvoi :

6. Il résulte des termes mêmes de l’arrêt attaqué que, pour juger que la responsabilité de l’Etat ne pouvait être engagée à raison d’une carence du préfet de l’Aube dans l’usage de ses pouvoirs de police, la cour administrative d’appel s’est fondée sur ce que celle-ci ne pouvait résulter que d’une faute lourde commise par le préfet en n’usant pas des pouvoirs généraux de substitution qu’il tient des dispositions de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, à la suite d’un renoncement, par la collectivité territoriale compétente, d’utiliser elle-même la faculté de substitution aux obligations du propriétaire riverain qu’elle tient des dispositions de l’article L. 215-16 du code de l’environnement.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la responsabilité de l’Etat n’était pas susceptible d’être engagée pour une faute commise par le préfet de l’Aube dans l’exercice des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L. 215-7 du code de l’environnement, la cour a commis une erreur de droit. La société Les Vigneux est, par suite, fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il se prononce sur la responsabilité de l’Etat à raison de la carence alléguée du préfet dans l’usage de ses pouvoirs de police.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à la société Les Vigneux d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 4 octobre 2018 est annulé en tant qu’il se prononce sur la responsabilité de l’Etat du fait de la carence alléguée du préfet dans l’usage de ses pouvoirs de police.

Article 2 : L’affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d’appel de Nancy.

Article 3 : L’Etat versera à la société Les Vigneux une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Les Vigneux et au ministre de la transition écologique.

Contributeur

Perrine BROUST

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