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SYSTEME d'ENDIGUEMENT : Retour d'expérience du SMAVD

Retour d'expérience


illustration SYSTEME d'ENDIGUEMENT : Retour d'expérience du SMAVD

Sur le bassin versant de la Durance, la rationalisation des systèmes de protection contre les crues n’a pas attendu le décret de 2015. Aujourd’hui, le Syndicat Mixte d’Aménagement de la Vallée de la Durance (SMAVD) accompagne ses intercommunalités adhérentes pour définir, déclarer et gérer les « systèmes d’endiguement ». Conseils et retour d’expérience de Bertrand JACOPIN, directeur des études et des travaux du SMAVD.

C’est depuis la commune de Mallemort, à 35 km au Nord-Ouest d’Aix-en-Provence, que le Syndicat Mixte d’Aménagement de la Vallée de la Durance (SMAVD) exerce ses compétences. D’un simple syndicat de rivière créé en 1976, il est devenu concessionnaire de la gestion du Domaine Public Fluvial de la Basse-Durance puis Etablissement Public Territorial de Bassin (en 2010). Suite aux deux crues trentennales de 1994, il a mené un vaste programme de travaux sur la basse et moyenne Durance (2007/2017). En 2018, le SMAVD regroupe 13 EPCI adhérentes ainsi que la Région PACA et 4 Départements : le Vaucluse, les Bouches du Rhône, les Alpes de Haute Provence et les Hautes Alpes

Chiffres-clé de la Durance : plus de 400 km d’ouvrages dans la vallée, moins de 20 km de digues classées depuis 2007, un bassin versant d’environ 14 280 km². Une équipe de 35 personnes au service du SMAVD.

 

Bertrand JACOPIN, quel est votre rôle au sein du SMAVD ?

B.J. La Direction dont je m’occupe est en charge des Etudes et des Travaux, principalement centrés sur la protection des biens et des personnes contre les crues de la Durance. Au SMAVD nous assurons la conduite d’opération des projets d’infrastructures, la maitrise d’œuvre et l’ingénierie hydraulique. Ma direction regroupe ainsi trois services : la conduite des opérations (4 ingénieurs), la maîtrise d’œuvre (2 ingénieurs et 3 techniciens) et le service hydraulique et morphologique (4 personnes dont deux recrutements en cours), chargé de réaliser en interne les études hydrauliques et de dimensionner les ouvrages.

Comment ce rôle se décline-t-il vis-à-vis des EPCI pour définir les systèmes d’endiguement ?

B.J. Notre rôle, c’est d’éclairer les EPCI adhérentes sur l’ensemble de leur politique de protection contre les inondations et notamment en vue des choix qu’elles devront prendre sur la définition des zones à protéger et des niveaux de protection (niveau d’eau ou débit correspondant à une période de retour de crue). Concrètement, nous portons à leur connaissance le niveau actuel de protection apporté par les ouvrages existants et nous leur proposons des travaux de fiabilisation si nécessaire. Ensuite, nous mettons en œuvre les travaux.

Par quoi faut-il commencer pour définir un système d’endiguement, quand on est une EPCI?

B.J. Dans un contexte marqué, comme chez nous, par un nombre d’ouvrage impressionnant, la première chose c’est de regarder comment s’inonde le territoire et quels sont les ouvrages importants. Pas la peine de commencer par un diagnostic détaillé et trop exhaustif : il faut d’abord s’approprier la connaissance du territoire et comprendre les mécanismes d’inondation. Il faut donc faire une étude hydraulique ou s’approprier les études existantes. Si la seule étude qui existe est celle d’un Plan de Prévention des Risques qui s’est limité à la crue centennale, il faudra probablement regarder à un niveau plus fin, pour des crues plus faibles.

"la première chose c’est de regarder comment s’inonde le territoire"

Une fois cette connaissance obtenue, quelle est la suite ?

B.J. Il faut ensuite définir une stratégie de protection, c’est-à-dire définir quels ouvrages de protection on va utiliser et pour défendre quoi. Il ne faudra pas nécessairement régulariser ou utiliser toutes les digues existantes ou classées, ce n’est pas une obligation.

Quand intervient la décision sur le choix du niveau de protection ?

B.J. Dans notre cas c’est assez simple, car les grandes zones et les niveaux de protection ont déjà été mis en cohérence, en particulier lors de notre contrat de rivière 2007/2017. Nous sortons de plus de 10 ans de travaux de rationalisation, et la nouvelle réglementation ne fait que régulariser la logique menée depuis 10/15 ans.

Mais il faut pourtant faire des diagnostics complémentaires ?

B.J. Oui, mais cela intervient au moment des Etudes de Dangers (EDD). Au stade des EDD une des premières choses à faire, c’est de poser un diagnostic sur les ouvrages qui ont été retenu pour un système d’endiguement afin de quantifier le niveau de protection qu’ils apportent. En Durance, il faudra encore des diagnostics approfondis sur des digues non restructurées, pour compléter des diagnostics déjà faits sur des digues rénovées.

Vous parlez aussi de « stratégie de définition d’un système d’endiguement ». De quoi s’agit-il ?

B.J. La première question, c’est de savoir quel territoire veut-on défendre. Ensuite, il faut fixer des ordres de grandeur en fonction des enjeux de la vallée. On ne défend pas tout au même niveau et au même coût. En ce qui nous concerne, nous avions mené des concertations, dans les phases préalables du contrat de rivière (avant 2007), pour mettre en place un système soutenable financièrement, dans une logique non dommageable d’amont en aval. Nous avons aussi décidé de mettre les systèmes le plus loin possible du lit mineur de la rivière, notamment parce que cela coûte moins cher en enrochements.

Dans les détails, comment avez-vous décliné cette stratégie ?

B.J. Nous avons fixé des niveaux de protection en fonction des zones à enjeux. Les terres agricoles sont globalement déjà protégées par des ouvrages contenant les crues quinquennales à décennale, soit 2000 m3 par seconde en basse vallée (les débits de 1er débordement étant de 1500 m3). Sur les zones d’enjeu humain, la stratégie s’est déployée dans une logique crescendo : pour les hameaux, entre un objectif trentennal et cinquantennal et pour les centres villes, il a été acté de viser un niveau de protection centennal. Autrement dit, nous avons pu mettre en œuvre des démarches de bon sens avant qu’elles soient imposées par la loi.

Dans les années qui viennent, vous allez néanmoins être amené à augmenter le linéaire des digues classées ?

B.J. Oui, nous allons multiplier par cinq le linéaire classé par l’Etat depuis 2007. Il faut se souvenir qu’avant la réforme Gemapi, l’Etat avait eu du mal à classer tous les ouvrages, souvent parce qu’il ne trouvait pas les propriétaires, ou parce que des propriétaires ne faisaient pas les régularisations. Avec la réforme, quelle que soit la propriété, l’EPCI devient responsable de déclarer et de gérer les systèmes d’endiguement. Du coup, nous allons être dans une succession de déclarations des systèmes d’endiguement.

« nous allons multiplier par cinq le linéaire de digues classées »

Où en est le SMAVD sur ce chantier de la déclaration des systèmes d’endiguement ?

B.J. Nous avons un premier système d’endiguement autorisé, c’est celui des Iscles de Milan et nous avons en cours une seconde procédure sur Pertuis. Deux autres dossiers feront l’actualité en 2019 et concerneront presque 16 km de digues sur chacune des rives dans le secteur d’Avignon - Châteaurenard. Pour Avignon, une demande d’autorisation avec travaux sera déposée dans l’année, c’est-à-dire que nous conduisons en parallèle l’étude des travaux à mener et le dossier de régularisation. Sur la rive opposée où le même principe sera mis en œuvre, nous en sommes au cahier des charges.

Pour ce qui est des ouvrages sur lesquels vous programmez des travaux, quand seront-ils déclarés ?

B.J. Ces ouvrages nécessitent généralement une autorisation administrative préalable. Dans ces conditions, ils feront quasi systématiquement l’objet d’un dossier de régularisation en système d’endiguement à cette occasion.

Vous dites qu’il y a deux grandes logiques de déclaration…

B.J. En simplifiant et en considérant des ouvrages « anciens » et « mal connus », il y a une première logique qui serait pour l’EPCI de déclarer très vite avec des niveaux de protection très bas. Cela implique de faire beaucoup de « papier » et de déclarations, sans être très productif en termes de protection des personnes. Ou alors on est dans une logique plus pragmatique, qui est la nôtre : on se demande à chaque fois si le niveau de performance est suffisant et s’il ne l’est pas, on programme des travaux pour être en cohérence.  Il est vrai que, dans notre cas, nous avions mené la réflexion il y a 20 ans et donc nous avons une vision assez claire sur les travaux à réaliser.

"on se demande à chaque fois si le niveau de performance est suffisant et s’il ne l’est pas, on programme des travaux pour être en cohérence"

Que se passe-t-il, en termes de responsabilités, dans l’intervalle entre aujourd’hui et la réalisation des travaux ? Entre aujourd’hui et la déclaration du système ?

B.J. Il y a bien trop de cas de figure pour apporter une réponse exhaustive… Pour les ouvrages en mauvais état, il s’agit de prendre en compte le risque sérieux de défaillance. Le SMAVD a produit des cartographies détaillées des zones inondables prenant en compte des ruptures de digues et permettant d’adapter les Plans Communaux de Sauvegarde. Pour les ouvrages plus solides, l’autorisation en système d’endiguement apportera à terme une limitation des responsabilités, mais seulement en cas de défaillance au-delà du niveau de protection déclaré.

Comment travaillez-vous avec les EPCI adhérentes sur les systèmes d’endiguement ?

B.J. Nous leurs proposons des délégations où nous prenons en charge les futurs systèmes d’endiguement.  Nous leur demandons de s’impliquer sur trois choses : définir les niveaux de protection, les assumer financièrement en mettant le budget correspondant. Et troisième chose, nous leur demandons aussi, en période de crue, de nous mettre à disposition du personnel. En somme, nous prenons en charge les actions de la Gemapi pour ce qu’on sait bien faire : tout sauf le politique.

Où en êtes-vous sur les conventions de délégation Gemapi avec vos adhérents ?

B.J. Les conventions de délégation sont en cours d’écriture ou de signature. La première a été signée le 6 décembre avec la communauté d’agglomération Terre de Provence. Il est prévu une 2ème délégation avec la métropole marseillaise, pour au moins 2 ou 3 systèmes d’endiguement. Et nous prévoyons de travailler de la sorte avec toutes les EPCI qui le demandent.

Pour les élus, quelle est la principale difficulté ?

B.J. La grande difficulté pour le président de l’EPCI, c’est de mettre en place une compétence nouvelle extrêmement technique, structurante et engageante et qui était anciennement partagée par de très nombreux acteurs. Il lui faut à la fois satisfaire des obligations règlementaires en faisant en sorte que tous les ouvrages qui protègent les personnes aient un statut (une classe) et des niveaux de performance définis. Il lui faut par ailleurs faire le choix de conduire de lourds travaux si les ouvrages ne lui semblent pas assez performants. Il lui faut enfin organiser et garantir un mode de gestion des digues en toute circonstance alors mêmes que de (trop) nombreux ouvrages ont été longtemps largement abandonnés.

Avez-vous un conseil à donner aux autres EPTB sur ce chantier de la définition des S. E ?

B.J. Nous partageons régulièrement avec nos homologues EPTB ou gestionnaires d’endiguement au sein de l’ANEB – AFEPTB ou de l’Association France Digue. Il en ressort que les situations sont extrêmement différentes d’un lieu à un autre. Le meilleur conseil serait peut-être de s’intéresser avant toute chose à l’histoire, aux spécificités et aux enjeux du territoire concerné. Avec une certaine dose d’expertise technique et de capacité d’adaptation, la définition des systèmes d’endiguement doit pouvoir être déroulée dans de bonnes conditions.

Trois liens pour approfondir :

Les inondations en Durance : https://www.smavd.org/la-durance/les-inondations/

Les restructurations en système cohérents : https://www.smavd.org/la-gestion-de-la-riviere/les-amenagements-contre-les-inondations/la-restructuration-en-systemes/

La prise en charge des projets en régie : https://www.smavd.org/la-gestion-de-la-riviere/les-amenagements-contre-les-inondations/prise-charges-complete-projets/

Thibault LESCUYER pour France Digues

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